À l’âge de 60 ans, j’ai enfin pu réaliser le rêve de toute une vie : accomplir le Hajj, ce pèlerinage qui représente le cinquième pilier de notre foi. Je m’appelle Moussa Sarr, et je souhaite partager avec vous cette expérience qui a transformé ma vie et ma foi de manière profonde et inattendue.
Le long chemin vers La Mecque
Toute ma vie, j’ai économisé pour ce voyage. Élevant seul mes quatre enfants après le décès précoce de mon épouse, j’ai dû reporter ce projet année après année. Chaque Aïd el-Kébir, je regardais avec émotion les images des pèlerins autour de la Kaaba, en me promettant : « L’année prochaine, incha’Allah ».
C’est à la retraite, avec mes enfants désormais indépendants, que j’ai enfin pu concrétiser ce projet. Mon fils aîné a insisté pour m’accompagner, craignant pour ma santé – j’ai du diabète et de l’hypertension. Cette présence s’est avérée être une bénédiction inestimable.
Les appréhensions avant le départ
À mon âge, les inquiétudes ne manquaient pas :
- Pourrais-je supporter physiquement les longues marches et la station debout à Arafat ?
- Comment gérer mes médicaments et mon alimentation pendant le voyage ?
- La barrière de la langue serait-elle un obstacle insurmontable ?
- Serais-je capable d’accomplir correctement tous les rituels ?
Les défis rencontrés
Je ne vous mentirai pas : le Hajj à 60 ans est une épreuve physique considérable. La chaleur écrasante de 42°C lors de notre séjour à Mina a mis mon corps à rude épreuve. La marche entre Safa et Marwa m’a semblé interminable à la troisième répétition.
Le jour le plus difficile fut sans conteste celui d’Arafat. Rester debout plusieurs heures sous le soleil, même sous une tente, a provoqué un malaise passager que les services médicaux ont heureusement vite pris en charge.
La foule immense était parfois angoissante. Lors du Tawaf, j’ai été séparé de mon fils pendant plus d’une heure – moment de grande solitude où j’ai vraiment ressenti ma vulnérabilité.
Les moments de grâce
Pourtant, ces difficultés ont été largement éclipsées par des moments d’une intensité spirituelle que je n’avais jamais connue :
- L’indescriptible émotion de voir la Kaaba pour la première fois, moment où les larmes ont coulé sans que je puisse les retenir
- La fraternité vécue à Mina, partageant un repas simple avec des pèlerins venus des quatre coins du monde, sans langue commune mais unis par la même foi
- Le silence surréaliste qui s’est installé lors de ma dua à Arafat, comme si le temps s’était suspendu
- La sensation de légèreté et de purification après le lancer des cailloux à Jamarat, comme si des décennies de fardeaux s’envolaient
Ce que j’ai appris
Ce Hajj tardif m’a enseigné des leçons précieuses :
- L’âge n’est pas un obstacle à la spiritualité, mais peut même l’approfondir
- Notre corps peut dépasser ses limites apparentes quand l’âme est pleinement engagée
- La patience n’est pas juste une vertu, mais une forme d’adoration en soi
- L’humilité véritable se trouve dans la reconnaissance de notre petitesse face à l’immensité divine
Je suis revenu de ce voyage avec une nouvelle perspective sur la vie qui me reste à vivre. Les douleurs aux genoux et la fatigue ont disparu, mais la sérénité et la paix intérieure demeurent.
À ceux qui, comme moi, ont attendu longtemps pour accomplir ce pilier : ne renoncez jamais. La Maison d’Allah vous attend, et ce voyage de toute une vie vaut chaque année d’attente, chaque économie réalisée, chaque difficulté surmontée.
Le Hajj n’est pas seulement un pilier à accomplir, c’est un voyage intérieur qui continue bien après le retour à la maison. À 60 ans, ce n’était pas la fin d’un parcours, mais le début d’une nouvelle façon de vivre ma foi.